Vasiliki Kalatzis, Équipe Vision, Institut des Neuroscience de Montpellier- 26/10/2022
- La rétine est le tissu qui tapisse le fond d’œil. Les maladies rétiniennes sont caractérisées par une dégénérescence des cellules réceptrices de la lumière, les photorécepteurs, qui donne lieu à une perte progressive de la vision. La forme la plus fréquente est la rétinite pigmentaire, caractérisée par une perte de vision nocturne et périphérique.
- La rétinite pigmentaire est une maladie héréditaire causée par des mutations dans plus de 80 gènes différents. Afin d’étudier cette maladie, nous développons des modèles rétiniens humains. Pour ce faire, nous prenons un petit morceau de peau de patient que nous cultivons. Ensuite, nous traitons les cellules de peau avec un cocktail de facteurs afin de leur faire perdre leur caractéristique de peau et devenir des cellules souches avec une capacité de devenir tout type cellulaire. Nous différencions ces cellules souches en organoïdes rétiniens, des petits structures tridimensionnelles contenant une couche de photorécepteurs. Par la suite, comme ces cellules contiennent le défaut génique du patient, nous les utilisons pour mieux comprendre la physiopathologie de la maladie et pour tester l’efficacité des nouveaux traitements. - La stratégie thérapeutique la plus avancée pour les maladies rétiniennes est le remplacement génique, qui consiste à remettre dans une cellule une copie saine du gène muté ou absent. La limitation de cette approche est que le véhicule utilisé est trop petit pour des gènes au- dessus d’une certaine taille. Un bon exemple est le gène USH2A, qui est le plus grand gène responsable de rétinite pigmentaire, mais aussi le plus fréquent.
- Des mutations dans USH2A donne soit une rétinite pigmentaire isolée, soit une forme syndromique qui s’appelle le syndrome d’Usher de type 2. Ce syndrome associe la perte visuelle avec une perte auditive, un double handicap dévastateur pour les patients. A cause de sa fréquence, il est indispensable de développer une thérapie pour ce gène. - Pour relever ce défi, nous avons utilisé une alternative au remplacement génique, l’édition génomique par CRISPR/Cas9. Ce système est analogue à de petits ciseaux moléculaires et permet de couper l’ADN au niveau d’une mutation et de changer la séquence (équivalent à effacer une faute d’orthographe et de récrire correctement le mot).
- USH2A est un bon candidat pour cette approche, car il a des mutations récurrentes qui sont trouvées chez plusieurs patients. Comme preuve de principe, nous avons donc généré des cellules souches d’un patient porteur de mutation récurrente avec une rétinite pigmentaire et d’un autre patient avec un syndrome d’Usher. Nous avons ensuite introduit notre système de correction génomique dans ces cellules souches de ces patients afin de corriger (ou « effacer ») les mutations cible. Nous avons ensuite différencié les cellules souches des patients « corrigés » et des patients « non-corrigés » en organoïdes rétiniens pour étudier leur morphologie. - Nos résultats ont montré de façon très étonnante et intéressante que l’aspect ou la morphologie des photorécepteurs est différente s’il s’agit de mutations USH2A donnant lieu à une rétinite pigmentaire isolée ou à un syndrome d’Usher.
Pour valider ces résultats inattendus, nous avons développé des organoïdes rétiniens de patients USH2A-Usher et USH2A-rétinite pigmentaire supplémentaires et nous avons trouvé les mêmes résultats, confirmant nos observations initiales.
- C’est la première fois qu’une équipe de recherche a pu regarder finement les modifications dans la rétine humaine et déceler des différences en fonction des mutations USH2A et ces résultats auront beaucoup d’implication pour le diagnostic clinique et moléculaire des mutations USH2A. De plus, nous avons également montré que dans les deux cas, nous avions pu corriger efficacement et spécifiquement les mutations USH2A ciblées et restaurer un aspect sain à la rétine des patients.
Nous remercions vivement Vaincre Usher 2 et tous ces donateurs pour leur soutien indispensable.
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