Retrouvez l’intégralité de la conférence publique de Usher Info du 15 juin 2017 sur la thérapie génique à Paris,
par Brigitte Rouillac, Présidente du Fonds de Dotation Vaincre Usher2
Evénement organisé par la Fondation Pour l’Audition et la Fondation Voir et Entendre dans le cadre du projet LIGHT4DEAF sur le Syndrome de Usher
Par le Professeur Marina CAVAZZANA-CALVO : QU’EST CE QUE LA THÉRAPIE GENIQUE ?
Le Pr Marina Cavazzana est chef du département de Biothérapie, et coordinatrice du Centre d’Investigation Clinique en biothérapie à l’Hôpital Necker-Enfants malade, elle entame la présentation sur le thème « Qu’est-ce que la thérapie génique ? ».
1er essai réussi de thérapie génique (maladie du sang) sur la drépanocytose à l’hôpital Necker
Mobilisation de nombreuses compétences :
des cliniciens connaissant la maladie et les organes (biomarqueurs de la progression de la maladie)
des virologues pour la structures des virus séquentiels comme transporteurs d’information génétique
des biologistes moléculaires
des généticiens
Le but :
la modification d’une cellule d’une façon stable ou transitoire vers une nouvelle information génétique dans une cellule qui en est dépourvue.
les virus sont les seuls organismes vivants capables de rentrer dans le noyau d’une cellule. Ils sont à l’état naturel pathogène (virus du sida).
L’idée :
d'enlever de la structure dans les gènes de la maladie virale et y introduire les gènes nécessaires à la thérapie génique. Ceci se fait en clonant ces gènes à l’intérieur d’un virus et les faire s’exprimer dans la cellule de l’organisme malade.
selon l’organe à traiter, les virus ne sont pas les mêmes (moelle osseuse ou rétine) et choisir le bon selon l’organe malade.
Le domaine du Pr Cavazzana-Calvo est le sang et Le professeur aide les chercheurs pour les thérapies géniques de la rétine. La rétine est un organe privilégié car les cellules y sont définitives, l’œil est accessible, la quantité de virus dans lesquels sont introduites les informations manquantes est limitée.
La complexité :
le virus dans l’épithélium de la rétine ne peut contenir qu’une information limitée et ils sont très immunogènes (créant une réponse immunitaire contre l’hôte : inflammation et destruction de la rétine). Les premiers virus n’étaient pas utilisables chez l’homme et il a fallu attendre la deuxième génération.
certains virus (SIDA) s’intègrent bien dans le génome ; ils rentrent dans le noyau et s’intègrent dans le chromosome d’une façon stable, ainsi ils seront toujours là pour les cellules filles quelque soit le nombre de division cellulaire.
La thérapeutique utilisée par le Pr Cavazzana-Calvo :
le choix fut le plus simple, soit le globule rouge. Le prélèvement est facile dans le bassin. La rentrée du virus dans les cellules souches est visible. L’injection des cellules corrigées est facile dans la moelle osseuse.
Les cellules nouvellement produites vont donner une protéine tolérante pour l’organisme qui ne va pas fournir de globules blancs.
l’œil, l’oreille, le foie, le cœur entraîneront une réponse inflammatoire avec l’arrivée de globules blancs dont le rôle sera de détruire le virus implanté. Il faut surmonter cet obstacle.
l’œil est un organe séparé mais il peut aussi réagir. Nous ne sommes jamais à l’abri d’un effet secondaire non attendu même avec des gouttes dans les yeux. C’est pourquoi, il est indispensable de tester avant sur des animaux (souris, chiens, porcs puis singes avant de tester sur l’homme). Malgré cela, chez l’homme, d’autres effets non soupçonnés secondaires peuvent apparaître. Et là, c’est la déception! D’où la lenteur entre le laboratoire et les applications cliniques.
La protection des patients :
ne pas être toxique, ne pas être plus malade encore après le traitement. L’enveloppe virale peut être responsable de réponses immunologiques graves. Si nous injectons des virus dans le cerveau, le risque est une encéphalite ; le foie, une hépatite virale.
l'organisme va répondre par une réponse immunologique face à une protéine qu’il n’a jamais vu, et les globules blancs vont contrer la molécule étrangère.
l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament) demande la preuve que l’intervention ne porte pas atteinte à l’espèce humaine, ne change pas le patrimoine génétique pour se protéger des dérives possibles.
Le cas du globule rouge :
l’expression spécifique est l’hémoglobine, c’est une protéine qui transporte l’oxygène dans les globules rouges. Si elle est mise dans le globule blanc, celui-ci meurt. Chaque cellule a une fonction spécifique et elle doit se trouver dans la bonne cellule, au bon moment et en quantité parfaite. Il faut trouver la solution chez l’homme pour franchir ces obstacles. La taille des gènes est aussi un obstacle.
Le cas de l’oreille :
si le virus est implanté dans l’oreille, savoir où il se loge et s’il reste bien dans l’oreille interne. Tout est connecté dans le corps. L’oreille reçoit les informations de l’équilibre, du toucher. S’assurer que le nerf auditif n’est pas atteint, voire le cerveau et si le virus peut sortir par les narines. Pour cela , le virus est coloré, injecté dans les souris, ce qui permet de suivre son trajet et sa quantité dans les autres organes (cerveau, yeux).
La thérapie génique :
cette thérapie existe pour un nombre important de pathologies héréditaires et acquises : maladies du sang ; SIDA (rendre les cellules résistantes au sida) ; le foie qui est une vraie machine de détoxification de l’organisme et qui parfois ne marche pas et dans ce cas nous avons de l’espoir sur les essais cliniques en cours ; les maladies dégénératives du cerveau ; l’œil ; maladies tumorales (si la chimiothérapie ne marche pas) ; certaines maladies infectieuse (Ebola dont le vaccin a été fabriqué par des experts de thérapie génique).
c’est un énorme espoir pour les années qui viennent.
Par le Docteur Saïd Safiedine : THÉRAPIES GÉNIQUES DES SURDITÉS DANS LE SYNDROME DE USHER
Le Dr Said Safieddine est Directeur de Recherche à l’Unité de Génétique et de Physiologie de l’Audition à l’Institut Pasteur, il anime la partie intitulée « La thérapie génique restaure l’audition et l’équilibre du syndrome de Usher ».
La thérapie génique et le Syndrome De Usher : effets sur les troubles de l’audition et de l’équilibre (Institut Pasteur)
Le but est :
De restaurer l’audition et l’équilibre du Syndrome De Usher malgré la complexité et l’accessibilité de l’organe : la Cochlée est l’organe de l’audition, le Vestibule est l’organe de l’équilibre, l’Organe de Corti présentent les cellules ciliées externes et internes de l’oreille interne.
Dans le cas du Syndrome De Usher de type 1 les cellules ciliées internes sont responsables de la surdité profonde.
Dans le cas du Syndrome DE Usher de type 2 les cellules ciliées externes sont responsables de la surdité partielle.
La surdité :
Pour entendre, les vibrations sonores arrivent sur le tympan, puis les osselets, ce qui entraînent des vibrations aériennes puis des vibrations mécaniques vers des membranes de l’organe de Corti. Ce sont 3 canaux utilisés pour le son.
Les cellules ciliées externes permettent l’action de ces 3 canaux vers les 2 membranes qui elles-mêmes transfèrent le message vers les cellules internes qui actionnent le nerf auditif.
Sa prévalence :
10% du génome humain est consacré au message auditif.
Plusieurs gènes mutés désorganisent les cellules et il n’y a plus de transformation des vibrations mécaniques en vibrations électriques (nerf auditif ).
La surdité, c’est 400 millions de gens, 1 enfant sur 700, 80% d’origine génétique, 120 gènes identifiés.
Les défauts d’équilibre se voient chez les personnes âgées ou si la vision est en plus atteinte (Syndrome d’Usher par exemple).
Le traitement :
Aides auditives ; les implants cochléaires ; la pharmacothérapie.
Aucun traitement curatif n’est disponible à ce jour.
La thérapie génique est très prometteuse :
A l’heure actuelle
Le Professeur A. Meyer, chef de clinique au CHU de Nantes testent un virus transporteur atteignant les cellules sensorielles ; la préparation virale est injectée dans l’oreille interne de la souris. Il étudie en ce moment les cellules ciliées internes et externes à savoir si le virus y va ou s’il se positionne à côté. Le virus AAV8 est efficace : il amène le gène médicament à la cellule et il le fait bien. Les potentiels évoqués auditifs permettent de voir les relais qui sont défectueux.
L’étude porte sur le USH1 (La Rétinite Pigmentaire arrive avant la puberté) et sur le USH3 ( l’arrivée de la surdité et de la rétinite pigmentaire est progressive et variable).
La protéine (manquante dans le Syndrome de Usher) est essentielle à la cohésion des cellules ciliées ; c’est un lien apical entre les cellules ciliées externes et internes, un témoin de la fonctionnalité de la touffe ciliaire.
Les cellules ciliées externes sont positionnées en V avec 3 rangées. Dans la maladie, il y a une fragmentation du V dans la cochlée et il n’existe plus de lien dans le vestibule.
Les cellules sont abîmées et que peut faire la thérapie génique sur elles ?
Le résultat :
L’AAV8 avec le gène médicament est testé sur une souris nouveau-née.
Les cellules sont toutes touchées par le virus.
La protéine est bien localisée au bon endroit. Sur les photos, les cellules ciliées ont retrouvé leur forme naturelle en V et leur forme conique cellulaire qui est le lien apical entre elles.
La récupération de l’audition est alors significative chez la souris.
La restauration du vestibule et de l’équilibre est complète.
Le brevet est déposé à l’Institut Pasteur.
Conclusion :
Travailler, travailler, travailler pour trouver!
Il est difficile de prévoir le temps vers un traitement sur l’homme.
Des essais cliniques, aux USA, sont en cours pour transformer les cellules cochléaires en cellules sensorielles.
25% des surdités ne sont pas compensées (par des aides auditives ou des implants cochléaires).
ACTUALITÉS
Au prochain congrès de Marrakech, une combinaison de la thérapie génique et des implants cochléaires sera présentée. En effet, les implants cochléaires ont besoin de certaines cellules neuronales (celles utilisées par la fonction auditive) pour fonctionner. Quand le patient n’a jamais entendu, ces cellules ne sont pas activées, or elles sont indispensables pour les implants cochléaires qui ne corrige que les fortes fréquences ; ainsi les basses fréquences seront atteintes.
Ce sera une combinaison de diverses approches pour apporter la solution. De vrais experts se mobilisent, les patients, les familles , les médecins, les chercheurs industriels doivent être ensemble. Les chercheurs se lancent toujours dans de nouveaux défis en fédérant les énergies et les experts.
Quand on est implanté, la cochlée est morte, la thérapie génique est faite pour renverser la pathologie s’il existe des cellules ciliées ou neuronales.
La prochaine séance portera sur les cellules souches. Olivier Goureau présentera un projet prometteur.
Des groupes d’informations et d’échanges seront proposés lors d’un Symposium Usher sur la vie des Ushers.
Le handicap invalidant à la fois l’oreille et la vue n’est jamais dû à un problème sanguin vasculaire mais uniquement aux cellulaires ciliées.
Toutes les protéines ont un promoteur pour s’exprimer ; si on veut l’envoyer et dans la rétine et dans l’oreille, il faut trouver le bon vecteur or ce n’est pas le même.
En savoir plus
Par le Docteur Denis Dalkara : La THÉRAPIE GÉNIQUE DES TROUBLES DE LA VISION DANS LE SYNDROME DE USHER
Le Dr Deniz Dalkara est chef de l’équipe de « Thérapie génique et modèles animaux des maladies neuro-dégénératives » à l’Institut de la Vision, présente « la thérapie génique et le syndrome de Usher : effets sur les troubles de la vision ».
Pourquoi voit-on ?
La lumière atteint les cellules photo réceptrices situées dans la rétine que l’on compare souvent à la pellicule d’un appareil photo. Il existe deux types de cellules photo réceptrices.
Les « cônes » sont principalement situés dans la rétine centrale appelée macula. Ils sont responsables de la vision des couleurs, de la vision des détails, ils permettent une bonne vision au centre du champ visuel. Les « cônes » sont souvent associés à la vision de jour : la vision diurne.
Les « bâtonnets » sont principalement situés dans la rétine périphérique, ils sont beaucoup plus sensibles à la lumière que les cônes. Ils permettent la vision photoscopique (très faible éclairement). Le champ visuel périphérique permet la détection des mouvements.
C’est la rétine, avec ses photorécepteurs, qui va transformer l’image lumineuse reçue en impulsions électriques vers le cerveau. L’influx nerveux sera transmis au cerveau par le nerf optique.
La rétinite pigmentaire est la dégénérescence des cellules ciliées de la rétine comportant les bâtonnets et les cônes.
Effets du Syndrome de Usher dans les troubles visuels et la thérapie génique oculaire
Le projet :
Trouver le gène médicament pour interférer la progression de la maladie rétinienne voire de la guérir.
L’utilisation de virus transporteurs : pour véhiculer le gène sain vers les cellules ciliées ; Le virus adéno-associé AAV et le lentivirus SIDA.
Connaître la mutation d’un gène provoquant le manque d’une protéine, ce qui provoque le syndrome de Usher.
Copier simplement ce gène sain pour libérer la protéine indispensable.
Essais en cours :
Chez les patients atteints de l’Amaurose Congénitale de Léber qui représente 10 à 20% des enfants aveugles par une dégénérescence de la rétine, des résultats encourageants ont été obtenu en thérapie génique.
Après correction par l’AAV et injection au fond de l’œil du gène médicament, beaucoup de patients enfants ont senti un redémarrage de leurs cellules rétiniennes, comme si l’on avait remis de l’essence!
Cet énorme investissement et cet énorme espoir ont été freinés car malheureusement, ce remplacement ne peut se faire que d’une façon limitée dans le temps. La recherche continue d’y remédier.
Les moyens :
Pour le syndrome de Usher, à L’Institut de la vision, le type 1 est étudié.
C’est une mutation monogénique (un seul gène).
C’est un petit gène transportable pour le virus AAV (Usher 1).
Les cellules ciliées photorécepteurs doivent être intactes.
Le gène médicament sera commercialisé dans un an.
Les limites :
La thérapie génique ne peut rien faire si le gène est trop gros et s’il n’existe plus de photorécepteurs. Soit le cas du Syndrome de Usher de type 2 qui a un gros gène et dont les patients ont déjà perdu la vue par mort des cellules de la rétine.
Que peut-on faire ?
1. Il faut une thérapie génique indépendante des mutations du gène
Amener dans les cellules rétiniennes un médicament aidant les cellules à survivre malgré la mutation comme une aspirine et ainsi avoir une sécrétion de facteurs tropiques (provoquant une action positive).
2. S’il n’existe plus de cellules, c’est l’OPTOGÉNÉTIQUE : réanimer la rétine en associant l’optique à la génétique
Des facteurs RDCV permettent aux photorécepteurs de survivre plus longtemps ; prendre le gène codant le RDCV et le faire sécréter par les cellules voisines, ce qui ralentit la perte de la vision centrale pour promouvoir la survie des cônes. L’essai clinique est prévu dans un an
La prothèse optogénétique ; ARGUS II est une prothèse rétinienne qui stimule électriquement la rétine. Elle n’a que 64 électrodes donc très peu d’informations visuelles au cerveau. Il faut recouvrir la vue avec un implant plus efficace (Gensight Biologics).
Le souhait est de rétablir la sensibilité à la lumière par une simple protéine telle l’opsine ou la transducine dans les cônes et les bâtonnets de la rétine chez l’homme. Ces protéines sont capables de réagir à l’énergie lumineuse.
Les bactéries ont des opsines plus simples et nous pourrions les utiliser.
3. Double approche dans la thérapie génique en utilisant un double AAV : le gène rentrerait dans 2 transporteurs AAV au lieu de 1. Cas des longs gènes comme le USH2A du Syndrome d’Usher de type 2.
4. Le CRISPR Cas9 corrige la mutation là où elle se trouve pour les gènes de grande taille comme le USH2A. L’action est celle de ciseaux moléculaires. Les études porteront leurs fruits dans 10 ans.
5. La chimie a toujours des progrès : les vecteurs viraux pourront imiter les protéines ; notamment pour les gènes de grande taille (USH2A) ; d’ici 10 ans. Son action est de combattre les conséquences plutôt que la cause.
Conclusion :
Les modèles de souris n’ont pas un phénotype rétinien oculaire comme celui de l’homme et il est impossible de retranscrire un syndrome de Usher chez la souris.
Le Docteur Dalkara déconseille fortement aux patients atteints de rétinite pigmentaire de se faire opérer à Cuba :
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